Zitoune, un artiste incisif et singulier au Domaine de Dony
Vernissage au domaine de Dony : jeudi 23 juin à 18 h – Entrée libre.
Les murs du Domaine de Dony se chamarrent depuis quelques jours d’œuvres généreuses et fulgurantes. C’est le maître des lieux, Olivier Perin, alias Zitoune, qui les expose pour la première fois. Ce sont les mois de confinement qui ont fait jaillir sa créativité : « J’avais du temps et il fallait que je m’exprime ; il fallait que ça ait du sens », confie-t-il. Le sens, pour cet autodidacte prolifique, ce sont les pastels gras, que sa main laisse courir sur le papier, qui architecturent son inspiration. Une inspiration qu’il emprunte à l’actualité ; ou qu’il puise chez d’autres artistes. « Mais je ne copie pas ! ». Ainsi, il apprécie le génie de Picasso : il compose une série de plusieurs tableaux qu’il baptise « mouvement », parce qu’il aime jouer avec la déstructuration des corps. Ce qui lui a valu, de la part de ses amis, le surnom de Zicasso (un mot-valise qui articule Zitoune et Picasso).
La visite de sa galerie confirme son goût de la déstructuration artistique : on y perçoit sa recherche de la part d’invisible présente dans le monde qui l’entoure. Il compose avec des assemblages de plans colorés, joue sur les contrastes avec des associations de couleurs primaires aux tons vifs. Chacune de ses séries porte un nom et, en leurs cœurs, chaque tableau est dénommé. Dans la gamme « Iel », par exemple : « Ils s’embrassent tous », « Les iel sèment l’amour ». Ou encore : « Je me regarde et ça m’interroge », « Slider », « Buzzer », « Sans maître », « 37.2 le matin, apprendre au premier degré », dans le groupe « Mouvement ».
La guerre en Ukraine a fait naître une série qu’il appelle « Sur les bords du Dniepr ». Les mots de Taras Chevtchenko (1814-1861), considéré aujourd’hui comme le plus grand poète de langue ukrainienne, semblent sourdre de son iconographie. « Mes pensées, ô mes pensées, / Comme vous me troublez ! / Pourquoi vous couchez-vous sur le papier / En si tristes rangées ? » écrivait le barde (Kobzar, en ukrainien) en 1840. Zitoune, en lisant ces vers, a donné vie à la tragédie de 2022. Pendant un mois, en parcourant l’exposition, les visiteurs seront invités à déchiffrer la composition de chaque tableau. L’extraordinaire imagination créative de cet artiste atypique fait de lui un magicien, capable d’inventer des formes inédites, susceptible d’influencer la pensée de celui qui les regarde.
Martine Crasez